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Le vaccin contre la grippe: trier entre l’information et la désinformation

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Swine-Flu-ShotDepuis la communication désastreuse du gouvernement en 2009, le vaccin contre la grippe n’a pas bonne réputation et les idées reçues ne désemplissent pas. Selon un récent sondage, un Français sur deux pense que le vaccin peut donner la grippe, un sur trois que le virus de la grippe peut être soigné grâce aux antibiotiques (sic!) et un sur cinq qu’il est plus dangereux de se faire vacciner que d’avoir la grippe: trois idées fausses à propos de la grippe et de son vaccin qui sont largement partagées par la population. Il faut dire que le vaccin contre la grippe présente des particularités qui sont parfois difficiles à comprendre.

Une maladie potentiellement dangereuse

Rappelons rapidement que la grippe est une infection d’origine virale (les antibiotiques ne vous serviront à rien) le plus souvent bénigne si vous êtes en bonne santé. Elle vous laissera néanmoins cloué au lit, avec 40°C de fièvre, des courbatures et des maux de têtes, rien à voir donc avec le rhume. Autrement plus grave, la grippe est responsable d’une centaine de morts par an (essentiellement des personnes âgées) sans parler des formes virulentes qu’elle peut prendre. Le vaccin est donc recommandé aux personnes âgées ou fragilisées (femmes enceintes, diabétiques, personnes fortement obèses, etc.). L’ANSM estime qu’en prenant en compte la mortalité indirecte, plusieurs milliers de décès seraient liés chaque année au virus de la grippe.

Un virus pas comme les autres

Le virus de la grippe a la particularité de muter très rapidement. De fait, le virus rencontré d’une année sur l’autre n’a pas la même forme, les défenses immunitaires du corps humain doivent donc toujours se maintenir à jour: d’où l’obligation de se vacciner tous les ans contrairement à la plupart des vaccins qui confèrent une immunité sur plusieurs années. Les chercheurs doivent ainsi créer un nouveau vaccin en anticipant la souche qui sera en circulation la saison suivante.

L’efficacité du vaccin dépend donc de plusieurs paramètres. D’abord, il est évident que plus la prédiction des chercheurs est précise et plus le vaccin sera efficace. Suivant les années, vous aurez donc une efficacité variable. Ensuite, la réponse immunitaire diffère d’une personne à l’autre et elle est généralement plus faible chez les personnes âgées (malheureusement ce sont ces personnes qui sont les plus vulnérables face à la grippe) et les petits bébés (0 à 2 ans). Autre problème, la couverture vaccinale pour la grippe est très faible, la protection de groupe (herd immunity en anglais) ne s’applique presque pas. Nous en parlions quand nous avons abordé les modèles mathématiques, un récent article montre que si on vaccinait la moitié des enfants de 5 à 16 ans, on diviserait la mortalité liée à la grippe quasiment par deux non pas chez les enfants mais dans l’ensemble de la population.

Pour toutes ces raisons, l’efficacité du vaccin contre la grippe est généralement évaluée entre 50 et 70%. Attention, par efficacité, on entend ici la diminution du risque de développer des complications graves associées à la grippe 1. Concrètement, cela veut dire que vous pouvez tout de même attraper la grippe mais le risque d’avoir des complications est fortement réduit.

Des difficultés méthodologiques

Dans ma dernière remarque réside une des clé de la désinformation ambiante sur le vaccin contre la grippe. En effet, évaluer l’efficacité du vaccin est une tâche plus complexe que pour les autres vaccins. D’abord, comme on l’a vu, parce que le vaccin n’est pas toujours bien ajusté au virus en circulation, d’une année sur l’autre, une étude, même bien menée, peut aboutir à des conclusions différentes. Ensuite, suivant la manière dont on définit « efficacité », les conclusions dans les études scientifiques peuvent différer 2.

Par exemple, on peut s’intéresser aux nombres de personnes qui contractent la grippe suite à une vaccination soit par un placebo, soit par un vaccin approprié. Une telle étude cherche à montrer si, à titre individuel, le vaccin protège contre la grippe (eg. ici). La difficulté de telles études résident dans la manière de compter les cas de grippes (se base-t-on sur des symptômes, où fait-on des analyses qui peuvent être coûteuses quand on suit un grand nombre de personnes?). On peut aussi choisir de privilégier le gain en terme de mortalité, ou d’autres paramètres, comme par exemple le nombre d’absences au travail (eg. ici). Vous pouvez aussi vous intéresser à des bénéfices indirects, comme les crises cardiaques (eg. ici). Pour résumer, suivant le critère mis en avant, les bénéfices liés à la vaccination peuvent être plus ou moins importants 3.

Au-delà de ces difficultés, des mythes persistent sur le vaccin contre la grippe, rétablissons quelques vérités.

Le vaccin ne peut pas vous donner la grippe

Il est impossible d’attraper la grippe en se vaccinant: le vaccin contient des fragments du virus de la grippe inactivé. Si cette fausse idée est si répandue, c’est tout simplement parce que l’expérience personnelle induit facilement en erreur. Par exemple, le système immunitaire met une dizaine de jours avant de développer les défenses nécessaires après une vaccination. Si la vaccination se fait de façon tardive, cela peut donner l’impression qu’elle n’a pas été efficace 4. De même, il existe aussi de nombreux virus dont les symptômes ressemblent à ceux de la grippe renforçant à nouveau la confusion.

20091129Le vaccin n’est pas toxique

On a régulièrement abordé ce sujet sur ce blog, on pourra se référer par exemple à cet article. Pour résumer, on trouve dans les vaccins des éléments, comme des adjuvants ou des conservateurs, qui, à partir d’une certaine dose, peuvent être dangereux pour l’homme. Les adjuvants servent généralement à amplifier la réponse du système immunitaire (comme par exemple l’aluminium); les conservateurs comme le mercure 5 sont essentiellement utilisés dans les vaccins multi-doses. On peut aussi trouver du formaldéhyde qui sert à inactiver le virus.

En France, il n’y a pas de mercure ni d’aluminium dans le vaccin commercialisé contre la grippe. Quant aux doses de formaldéhydes présentes dans le vaccin, elles sont largement négligeables par rapport aux quantités naturellement présentes dans le sang issues de certains aliments comme les fruits. A titre de comparaison, certains vaccins peuvent contenir jusqu’à 100 µg de formaldéhyde, un bébé de 6 mois en aura plus de 1000 µg constamment dans le sang. Enfin, le formaldéhyde est rapidement métabolisé et éliminé sous forme d’urine par l’être humain (en quelques heures seulement) 6.

Grippe et narcolepsie

La narcolepsie est un dysfonctionnement neurologique qui empêche le cerveau de contrôler normalement le sommeil. Plusieurs études récentes ont trouvé un lien entre le vaccin Pandemrix (contre la grippe H1N1) et la narcolepsie. Selon l’ANSM, pour le vaccin Pandemrix, 23 cas sur 4100000 personnes vaccinées ont été observés entre 2009 et 2010. Tandis que les associations anti-vaccins font sonner les cloches, les esprits rationnels restent admiratifs devant la qualité de la pharmacovigilance qui arrive à détecter des risques aussi faibles et aussi rapidement! Le vaccin est désormais retiré de la vente.

Soulignons que ce lien n’est avéré que pour le vaccin Pandemrix qui n’est pas le vaccin contre la grippe saisonnière. Les cas de narcolepsies n’ayant pas été signalé aux USA – ce pays utilisant un vaccin contre le H1N1 différent – les scientifiques cherchent des pistes du côté des adjuvants pour comprendre pourquoi le Pandemrix a posé problème; une étude du CDC américain devrait donner quelques réponses en 2014.

Vaccination, une affaire collective

Comme je l’ai précisé au début de cet article, le vaccin contre la grippe n’est pour le moment recommandé qu’à une petite partie de la population. La dernière publication que j’ai signalée précédemment risque de changer la donne: vacciner les enfants de 5 à 16 ans devrait avoir un impact conséquent en terme de santé publique. La Grande-Bretagne va mener une expérience grandeur nature pour tester l’efficacité de cette stratégie. Si vous avez alors bien suivi, il s’agira de vacciner les enfants non pas tellement pour eux mais surtout pour les autres. Affaire à suivre!

Notes:

  1. Toujours sur le site du CDC américain, vous trouverez une liste d’articles étudiant l’efficacité du vaccin contre la grippe.
  2. Deux termes différents sont d’ailleurs utilisés en anglais: efficacy et effectiveness, pour plus de détail, consulter cet article.
  3. Conséquence directe de ces difficultés, vous trouverez une argumentation des communautés anti-vaccins qui semble un peu plus solide que ce qu’elles ont l’habitude de fournir sur d’autres vaccins. Notamment en invoquant régulièrement les méta-analyses du groupement Cochrane (réputé pour la qualité de ses travaux) ainsi que les interviews de l’auteur principal Thomas Jefferson qui, généralement, est bien plus critique en interview que dans ses études. Pour ceux qui suivent ce blog régulièrement, Jefferson semble être pour les anti-vaccins ce que Judith Curry est pour les climato-sceptiques.
  4. Les possibles effets indésirables liés au vaccin rapportés chez plus d’1 personne sur 100 ressemblent aussi fortement aux symptômes de la grippe: maux de tête, sueurs, douleurs musculaires, articulaires, fièvre, sensation générale de malaise, frissons, fatigue, etc.
  5. Pour être précis, il s’agit d’hydroxyde d’aluminium et d’éthylmercure.
  6. Concernant le formaldéhyde, on pourra consulter cet article pour aller plus loin ainsi que cet article anglophone encore plus technique. 

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